Le train, un mode de transport rapide mais aussi un lieu de rencontres amoureuses
Poème : Rêvé pour l'hiver
"Rêvé pour l'hiver" est le 1er poème sur 7 du 2ème cahier de Douai
A*** Elle
L'hiver, nous irons dans un petit wagon rose
Avec des coussins bleus.
Nous serons bien. Un nid de baisers fous repose
Dans chaque coin moelleux.
Tu
fermeras l'il, pour ne point voir, par la glace,
Grimacer les ombres des soirs,
Ces monstruosités hargneuses, populace
De démons noirs et de loups noirs.
Puis tu te sentiras la joue égratignée...
Un petit baiser, comme une folle araignée,
Te courra par le cou...
Et tu me diras: "Cherche!" en inclinant la tête,
Et nous prendrons du temps à trouver cette bête
Qui voyage beaucoup...
En wagon le 7 octobre 1870 |
LE CAHIER DE DOUAI
1er cahier
1- Première soirée
2-Sensation
3-Le forgeron
4-Soleil et chair
5-Ophélie
6-Bal des pendus
7-Le Châtiment de Tartuffe
8-Vénus anadyomène
9-Les réparties de Nina
10-A la musique
11-Les effarés
12-Roman
13-« Morts de Quatre-vingt-douze »
14-Le mal
15-Rages de Césars
2ème cahier
16-Rêvé pour l'hiver
17-Le dormeur du Val
18-Au cabaret-vert
19-La Maline
20-L'éclatante victoire de Sarrebrück
21-Le buffet
22-Ma Bohème (Fantaisie)
Plan
1- Un rêve sentimental
2- La comédie de l'amour
3- L'éloge de la sensualité
Commentaire
rédigé
Rêvé pour l'hiver est le premier sonnet écrit par
Rimbaud durant sa fugue en Belgique. On y observe ce qui est rare dans
les sonnets, une alternance d'alexandrins et d'hexasylabes.
L'inspiration se rattache, par le futur des verbes, aux réparties
de Nina. Ce poème est inspiré par une curiosité et
un désir naissant pour les femmes, on y découvre une vision
des rapports amoureux qui prend l'allure d'un jeu de colin maillard, d'une
fête teintée d'érotisme. Le minaudage de la jeune
fille ne résiste pas à l'enthousiasme, à l'audace
de notre adolescent.
1 Un rêve sentimental
Rimbaud poursuit avec ce poème ce que l'on peut appeler
un cycle sentimental commencé avec "Première soirée"
et poursuivi par "Roman". Ces rêves s'appuient sur des
expériences probables avec des serveuses de restaurant que l'on
retrouve dans "au cabaret vert" ou dans "La Maline".
Avec "Première soirée" la jeune fille est "fort
déshabillée", avec "Roman" c'est une "demoiselle
aux petits airs charmants", ce sont deux personnages idéalisés
qui font frissonner le cur de notre adolescent
comme jadis Timothina Labinette dans "Un cur sous la soutane".
Le titre "Rêvé pour l'hiver" comporte un verbe
au passé, "Rêvé" et une saison, l'hiver
qui approche et qui en soit constitue une énigme supplémentaire
dans le poème. Le poème est daté et plus encore localisé
"en wagon du 7 octobre 1870". La date correspond à sa
seconde fugue après la première du 29 août à
Paris qui se termina en prison pour avoir voyagé en train sans
billet. Rimbaud quitte la maison des tantes d'Izambard qui l'avaient recueilli
et ou pendant le mois de septembre il recopiait ses poèmes. Il
s'ennuie, la rentrée scolaire n'a pas lieu en raison de la guerre
aux portes de Charleville. Il s'agit bien d'un rêve sentimental
car la seconde fuite vers la Belgique se fait sans train cette fois, à
travers champs. Le poème a une dédicace A***Elle, avec des
étoiles pour masquer le nom, étoiles apparues dans "Un
cur sous la soutane". Les baisers et la couleur rose font leur
retour. Étrange début pour un rêve que de commencer
par un verbe au futur, "L'hiver nous irons". Tout
diffère de la réalité qui est ici embellie, le wagon
est de couleur rose et les siège en bois d'ordinaire
sont ici recouverts de coussins bleus, ajoutant une note
de confort au plaisir de se retrouver seuls, "nous serons bien".
Ce wagon semble être un lieu d'aventures amoureuses passées,
à chaque coin on en retrouve la trace sous la forme de nids de
baisers. On remarquera la similitude entre baiser et becquée et
entre le coin du wagon et le nid des oiseaux, lieux des amours. Rimbaud
semble ressentir un bien être indéniable, un réel
bonheur en compagnie de cette demoiselle.
II-La comédie de l'amour
Le jeu de l'amour et du désir commence par une mise en scène.
Dans "Première soirée" ou "Roman", les
rapports amoureux se limitaient à un échanges de regards
troublés de cur polissons. Ici "Tu fermeras l'il"
qui commence le second quatrain est une invitation à ne pas en
rester là, mais à reconstruire les corps, à les deviner,
à les imaginer au lieu de les observer, à les magnifier
pour en retirer le plus de plaisir. Le rapport amoureux est basé
sur la confiance, il faut chasser toute peur. Regarder le paysage nocturne,
c'est courir le risque de faire revenir dans son imaginaire les vieilles
légendes populaires de monstres. On a peur de
la nuit car on ne discerne pas les choses qui nous environnent et tout
devient suspect. Notre jeune poète s'est affranchi de cette peur
depuis longtemps, en bohémien, il aime dormir à la belle
étoile. En gardant les yeux ouverts, la demoiselle risque d'apercevoir
par la vitre des monstres noirs, ou des animaux effrayants de la même
couleur qui se confondent avec le paysage nocturne. Cette comédie
de l'amour impose la plus grande sérénité.
III L'éloge de la sensualité et de l'érotisme
"Sensation", "Roman", "La maline" et ce
poème font tous l'éloge d'une sensation ou
d'une situation, ce sont des poèmes euphoriques
décrivant un bonheur joyeux, l'union de deux âmes ou de deux
corps. L'isolement d'un wagon dans la nuit est parfois le prétexte
à des rapprochements heureux, à l'éveil
de la sensualité. Tout le monde connaît
le jeu "Colin maillard" consistant pour un joueur les yeux bandés
à rechercher les autres et à le reconnaître, à
tatons, le début du jeu commence aussi par "cherche".
Il s'agit dans l'isolement de ce wagon de retrouver une araignée
imaginaire qui courait sur le cou de la demoiselle et qui a du se dissimuler
sous les vêtements. L'inclinaison de la tête
est un geste d'appel bien connu que l'on fait pour inviter quelqu'un à
se rapprocher. On s'imagine que ce jeu polisson devra être effectué
en tatonnant ou en déshabillant la partenaire. On fera durer le
jeu le plus longtemps possible car cette araignée imaginaire voyage
beaucoup. C'est un poème plein de vigueur, d'audace, de liberté
juvénile que rien ne doit troubler.
Conclusion
Pour les habitués de Rimbaud, la lecture de ce poème plein
d'enthousiasme pour l'éveil sentimental d'un adolescent peut surprendre.
Mais c'est un rêve pour l'hiver, la saison froide et rien ne saurait
refroidir les ardeurs des partenaires. Ce sont les premiers
poèmes de Rimbaud qui ont été écrits avant
sa troisième fugue pour Paris, à partir de laquelle, il
connaîtra des mutations profondes. N'a-t-il pas
demandé à Demeny le 10 juin 1871, de brûler tous ces
vers qu'il fut assez sot d'écrire. Demeny a bien fait de ne pas
les brûler, ce qui nous permet aujourd'hui d'apprécier son
incroyable précocité poétique.
Vocabulaire
La
recherche rimbaldienne
L’exercice de style pour brillant qu'il est n'est que factice et
pur artifice pour donner à Rimbaud l'occasion de traduire son âme.
C'est ici qu'apparaît toute l'importance des tirets.
Dans les vers détachés par les tirets, on finit par comprendre
que le poète parle de lui.
Coussin :
Petit sac cousu, rembourré, servant d'appui.
Moelleux :
Doux, agréable aux sens.
Nid :
Abri construit par les oiseaux pour pondre et couver leurs ufs,
pour élever leurs petits.
Grimacer :
Faire des grimaces, des contorsions du visage.
Populace :
Classe populaire pauvre.
Glace :
Synonyme de vitre.
Egratignée :
Blessée superficiellement en parlant de la peau, syn. d'éraflure,
Les amours de jeunesse.
Les amours de jeunesse, le premier amour peut-il durer
Le témoignage de Judith 16 ans
http://presse.cgarde.html
Les amours de jeunesse chez Ronsard
Titre : Les Amours
Qui
voudra voir une jeunesse prompte
A suivre en vain l'objet de son malheur,
Me vienne lire : il verra la douleur,
Dont ma Déesse et mon Dieu ne font compte.
Il connaîtra qu'Amour est sans raison,
Un doux abus, une belle prison,
Amours de Cassandre,
La
rencontre amoureuse chez Hugo le romantique et chez Baudelaire
http://serieslittep3?id=170
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