
Napoléon
III et Bismarck au château de Whilhelmsöhe à Kassel en Allemagne.
Poème : Rage des césars
Note d'un connaisseur : Il ne s'agirait pas l’entrevue de Napoléon III et Bismarck, au château de Wilhelmshöhe, mais plus prosaïquement à la « maison du tisserand » à Donchery, localité proche de Sedan. Ce n’est que le lendemain que sera signée la réddition, au château de Bellevue, au Fresnois, faubourg sedanais. Ce n’est que le 5 septembre que l’empereur arrivera à Cassel/Kassel où il restera jusqu’au 19 mars 1871, puis partira en exil vers l’Angleterre. Wilhemshöhe (la hauteur/butte de Guillaume) s’est temporairement appelée « Napoléonshöhe » pendant la présence de Jérôme Bonaparte.
Poème :
Rages des Césars
"Rages des césars" est le 15ème et dernier poème du 1er cahier de Douai.
Il est suivi d'une dédicace "A...Elle, ce n'est pas la liberté mais à sa mère qu'il adresse son poème. Cela rappelle les poèmes de Verlaine dont il ne fera la rencontre à Paris en septembre 1871
L'Homme pâle, le long des pelouses fleuries,
Chemine, en habit noir, et le cigare aux dents :
L'Homme pâle repense aux fleurs des Tuileries
- Et parfois son oeil terne a des regards ardents...
Car l'Empereur est soûl de ses vingt ans d'orgie !
Il s'était dit : "Je vais souffler la Liberté
Bien délicatement, ainsi qu'une bougie ! "
La liberté revit ! Il se sent éreinté ! Il est pris.
- Oh ! quel nom sur ses lèvres muettes
Tressaille ? Quel regret implacable le mord ?
On ne le saura pas. L'Empereur a l'oeil mort.
Il repense peut-être au Compère en lunettes...
- Et regarde filer de son cigare en feu,
Comme aux soirs de Saint-Cloud, un fin nuage bleu. |
LE CAHIER DE DOUAI
1er cahier
1- Première soirée
2-Sensation
3-Le forgeron
4-Soleil et chair
5-Ophélie
6-Bal des pendus
7-Le Châtiment de Tartuffe
8-Vénus anadyomène
9-Les réparties de Nina
10-A la musique
11-Les effarés
12-Roman
13-« Morts de Quatre-vingt-douze »
14-Le mal
15-Rages de Césars
2ème cahier
16-Rêvé pour l'hiver
17-Le dormeur du Val
18-Au cabaret-vert
19-La Maline
20-L'éclatante victoire de Sarrebrück
21-Le buffet
22-Ma Bohème (Fantaisie)
Plan
1-Un hymne à la liberté
2-Une argumentation ad hominum
3-La condamnation de toute tyrannie
Commentaire rédigé
Ce poème "rages des Césars" avec un double pluriel
est le 14ème et dernier poème du 1er cahier de Douai. Il a la forme d'un sonnet, deux
quatrains suivis de deux tercets en alexandrins. Il n'est pas daté,
comme la plupart des poèmes de Rimbaud dont on ne connaît
que des copies. Si ce poème a probablement été
commencé après la défaite de Sedan du 1er septembre
1870, lors de son premier et court séjour chez les demoiselles Gimbre, tantes de son professeur de lettres Izambard,
la dédicace chère à Verlaine en fin de poème
laisse à penser qu'il a été repris après leur
rencontre de septembre 71. Forme contraignante, le sonnet oppose généralement
les tercets aux quatrains.
1-Un hymne à la liberté.
Le Rimbaud frondeur, engagé, acquis aux
idées républicaines, aux idéaux de liberté
de 1789, déjà perceptible dans ses premiers poèmes
"Le forgeron", "Morts de Quatre-vingt-douze", "Le
Mal" se confirme ici dans un portrait au vitriol de Napoléon III. Ce souverain monarchique qui règne sur
la France depuis près de 20 ans est affaibli, malade de calcul dans la vessie. Fait prisonnier sur le champ de bataille de Sedan à
la tête de ses hommes, il apprend sa destitution au château
de Wilhelmstrohe à Kassel en Allemagne où il sera retenu prisonnier quelques mois. On voit dans ce portrait l'image
d'un tyran, ayant gouverné seul, et qui réfléchit
amèrement sur la guerre perdue et la fin de son
pouvoir. Rien n'indiquait au départ chez cet homme un
instinct despotique pour le pouvoir solitaire, l'élimination
des républicains, il est élu député puis président
de la République et lorsqu'en 1852 il se proclamera empereur, il
se fait plébisciter par le peuple. Rimbaud attaque ici un homme
malade qui mourra deux ans plus tard, un homme pâle qui pense aux fleurs des Tuileries et qui pensait à souffler la liberté comme une bougie. Napoléon III fait
partie des rares souverains fait prisonniers sur un champ de bataille
en stigmatisant ses troupes, il s'apprêtait à écrire
une histoire de César. Notre souverain se promène
a pied en habit noir d'apparat, il, il fume son cigare. C'est un homme
épuisé par la vie, par les fêtes luxueuses données
aux Tuileries. Mais ne dissimule-t-il pas, par dignité,
ses réelles pensées. Il a des regrets mais ne les laisse
pas voir. Rimbaud suit les traces de Victor Hugo pour dénoncer
un homme qui, cependant, accorda le droit de grève aux ouvriers,
fut méprisé et est ici dénoncé par Rimbaud
comme un despote.
2-Une argumentation ad hominem
Rimbaud reprend ici une partie des accusations portées
à Napoléon III par Victor Hugo, d'un personnage apathique,
sans expression, sans vie, "il a l'oeil terne, l'il mort, d'une
sorte de pantin qui marche machinalement "il chemine" avec un
goût de l'apparat "en habit noir", "fume
le cigare". Rimbaud tient ici une argumentation ad hominem,
c'est à dire qu'il s'attaque à l'homme pour dénoncer
ses actes politiques. Ce qu'on lui reproche, c'est d'avoir aboli les valeurs
de la République pour mettre sur pied un Empire, où le pouvoir
est quasi-absolu. Dès
notre empereur vaincu, les républicains défenseur des libertés reviendront au pouvoir, c'est la liberté qui revit après
20 ans. L' attitude figée,
sans expression, qu'on en donne est souvent, en politique, une force immense,
pour contenir ses émotions, ne pas exposer son intimité,
ses faiblesses, ce sont parfois des atouts importants que l'on assimile
à du mépris. Napoléon
III mesure combien il a été imprudent et
maladroit de déclarer cette guerre pour se retrouver prisonnier,
il cherche un responsable, ce n'est pas lui, c'est son Ministre Émile
Ollivier qui avait toute sa sympathie et qui a fait la déclaration
de guerre, il se cache derrière ses lunettes. Étrange
personnage que ce Marseillais qui affirmait qu'il y avait péril
si la révolution s'unissait à la liberté et qu'il était sage de les opposer l'un à l'autre,
de vaincre le premier par le second. De tels propos ne pouvaient recevoir
un écho favorable chez notre adolescent turbulent. Désormais
le cigare de Napoléon III se consume lentement, comme autrefois
dans les splendeurs de Saint-Cloud.
3-La condamnation de toute tyrannie
La tyrannie n'a pas la même signification pour chacun. A 16 ans,
pour Rimbaud, la tyrannie c'est celle de sa mère qui doit le remettre en pension en janvier 71 et qui essaie de le retenir
captif. Il écrit à Izambard qu'il se décompose dans
la platitude, la mauvaiseté, la grisaille car il s'entête à adorer la liberté libre. Rimbaud
enrage de rester chez sa mère à Charleville, la rage de
l'empereur déchu est un peu la sienne. Il espérait des bains
de soleil, des promenades infinies, des bohémienneries et il se
contente de voir pérégriner dans les rues,
les soldats, les piou-pious et gesticuler une benoîte
population patrouillotiste, le Chassepot au cur.
Sa patrie se lève, il souhaite la voir assise. En cet automne 1870
cette guerre le contrarie, les journaux parisiens, les livres ne circulent
plus, il en est réduit à lire le "Courrier des Ardennes",
comment va-t-il faire pour se faire connaître ? Décidément
Napoléon III méritait bien ce coup de griffe. Mais la dédicace
finale A...Elle, prend tout son sens, on peut bien évidemment
penser à la liberté, mais c'est probablement à sa mère, celle qui l'opprime, qui le tyrannise
à qui il l'adresse. Tous les tyrans comme tous les césars
n'appartiennent pas au monde politique.
Conclusion
"Rage de Césars" nous présente un portrait de
Napoléon III amorphe, mais à travers ce dernier monarque
français c'est à ses idées d'un pouvoir absolu, sans
opposition, qu'on s'attaque. Les idées républicaines, de liberté issues de 1789 ont été supprimées
par cette forme de pouvoir solitaire. Mais à travers ce personnage
Rimbaud défend également sa liberté,
victime de l'oppression de sa mère qui restreint ses déplacements,
victime de la guerre qui gène ses déplacements et paralyse
le pays au moment ou sa renommée de poète ne peut pas ne
pas arriver.
Vocabulaire
Rage
Colère, dépit au plus haut degré mais aussi volonté farouche et passionnée, résolution inflexible, rage de vaincre, rage de survivre.
César
Empereur romain, despote
Despote
Souverain qui exerce un pouvoir arbitraire et absolu.
Pâle
Blême, d'une blancheur sans éclat.
Cheminer
Faire du chemin, aller à pied.
20 ans d'orgies
Napoléon III est resté au pourvoir 18 ans de 1852 à
1870. Les orgies sont des fêtes luxueuses. A l'"empire autoritaire"
succédera en 1860 "l'empire libéral".
Les Tuileries
Le palais des Tuileries entre le Louvre et Les Champs Elysées à
Paris fut la demeure de tous les souverains à partir de l'Empire. Les
bâtiments seront incendiés pendant la commune en 1871.
Saint-Cloud
Autre résidence royale.
Chronologie des événements
19/7/1870
Déclaration de guerre à La Prusse
28/7/1870
Napoléon III à Metz
2/8/1870
Victoire française de Sarrebruck
6/8/1870
Défaites de Reichshoffen et de Forbach. Reprise de Sarrebrück par les Prussiens.
28/8/1870 Départ du prince impérial pour Sedan
29/8/1890
1ère fugue
de Rimbaud
1/9/1870
Défaite de Sedan. Napoléon III est emmené prisonnier par les Prussiens au château de Whilhelmsöhe à Kassel en Allemagne.
3/9/1870
Écriture de "Morts de Quatre-vingt-douze
6/9/1870
Rimbaud chez les surs Gindre
6/10/1870
2ème fugue.
Rimbaud
en août 1870 avant d'écrire son recueil "Poésies, fin 1890-année 1871
Rimbaud est né le 8 décembre 1854. Il a 17 ans et obtient le prix d'excellence, le premier prix de discours latin,
de discours français, de vers latins, de version latine, de version
grecque. Il refuse de s'associer à une souscription patriotique
lancée par les élèves de sa classe pour envoyer l'argent
à l'armée française.
La
défaite française d'une guerre déclarée à la Prusse par Napoléon III le 19 juillet 1870
Napoléon
III déclare la guerre au roi de Prusse le 19 juillet 1870 d'une
façon pour le moins maladroite et précipitée. Il
ne prend pas la peine de s'assurer le soutien des États rivaux
de la Prusse ni de vérifier les dispositions de l'armée.
Le chancelier prussien Otto von Bismarck voit immédiatement dans
cette déclaration de guerre l'occasion de faire l'unité
de l'Allemagne autour de la Prusse et de son roi, Guillaume 1er de Hohenzollern.
La France n'est en mesure de mobiliser que 250.000 hommes. De leur côté,
la Prusse et ses alliés allemands en alignent immédiatement
600.000 grâce à une organisation bien rodée et à
un réseau ferroviaire très dense. Les armées impériales
sont très vite bousculées par la coalition des armées
allemandes unies autour de la Prusse. Les Français subissent plusieurs
défaites non dépourvues de panache comme à Wissembourg,
le 4 août 1870, et surtout à Frœschwiller-Wœrth, le 6 août.
Ce jour-là, à deux reprises, près du village de Reichshoffen,
les cuirassiers à cheval chargent sabre au clair dans les houblonnières.
Empêtrés dans les piquets et les fils, hommes et chevaux
se font absurdement massacrer. À la suite de ces défaites,
la première armée française se regroupe au camp de
Châlons sous le commandement du maréchal de Mac-Mahon. L'empereur
l'accompagne mais, très malade en raison d'un caillou dans la vessie
et pouvant à peine circuler en voiture, il se garde de diriger
les opérations.
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